TRAITEMENT DE LA QUANTITÉ À L'ÉCRAN

David Cohen© - dcohen@teaser.fr


Exergues :
"J'ai trop d'informations pour prendre une décision"
Un chef d'entreprise pré-Internet

"C'est tout?"
Un acheteur de CD Rom ne se doutant pas de ce qui l'attend.


1ère partie
(attention 7 images de 20 Ko de moyenne)

Enjeux multimédia

Enjeux de l'information

Profusion ou synthése?

Quantité à l'écran : essai de typologie des représentations
A - Du coté de la synthèse rassurante, les dévoilements.

1 - Déroulant
2 - Mosaïque
3 - Transparent /évident, éteint/allumé, voilé/dévoilé
4 - Mode Plan
5 - Dévoilement dans le temps
6 - Profondeur - Perspective - Zoom
7 - Couleur

2ème partie
(attention 7 images de 30 Ko de moyenne)



Enjeux multimédia
95% des oeuvres multimédia communiquent par l'écran.
L'ergonomie visuelle de l'interactivité est le premier enjeu des interfaces du multimédia. Cet enjeu a fait apparaitre de façon récurrente plusieurs dimensions de l'interface : les métaphores, l'écriture à l'écran, boutons et curseurs, les partitions de l'écran¹ .

Le second terme de l'écriture multimédia s'appelle navigation ou encore structuration de l'information.….et son enjeu se trouve sous les feux de l'actualité : comment communiquer avec de grandes masses d'information?.
Le traitement de la quantité à l'écran relève de ces 2 enjeux, ergonomie visuelle et gestion de grandes masses d'informations, et tente de les résoudre sur un même écran.

Enjeux de l'information
La synthèse d'informations éparses compose souvent 80% du travail d'un chercheur et de tous les travailleurs de l'information. Ils aimeraient d'un seul coup d'oeil embrasser toutes ces données alors même qu'ils accèdent à plus d'informations encore.
Oublier le secondaire pour, enfin, faire apparaitre l'essentiel, passer moins de temps à la phase capitalisation-organisation et plus à la phase reflexion, ces demandes expriment bien l'importance de la “mise en scène” des informations.

"Je ne vais pas chercher d'informations sur Internet parce que je n'arrive pas à gérer celles que j'ai déja dans des livres que je n'ai pas finis."
Entendu au CNRS.


Profusion ou synthése?
Profusion ou synthèse, c'est à partir de cette alternative que l'observation du traitement de la quantité à l'écran parait être la plus riche d'enseignements.

Les CD Rom multimédia traitent de grandes quantités d'informations (signaux, signes, images, textes…). Les 650 Mo d'un CD Rom représentent la valeur écrite et illustrée d'une petite bibliothèque personnelle. Certains sites Web comptent leurs pages en milliers. Nous sommes loin du mode d'appréhension d'un seul livre. Nous n'en avons pas encore la pratique courante, la culture.
Faut-il présenter ce foisonnement, cette profusion à l'interacteur?

La représentation de ces informations balance entre deux écueils : l'angoisse de l'interacteur de base devant la profusion des choix et l'impatience de l'interacteur-expert qui recherche un accés immédiat à l'information visée et donc une large palette de “boutons”.

A contrario, un sommaire synthétique, toujours possible, inverse les effets pour ces deux types de publics. Ainsi le grand public se rassure en se disant qu'il a peu de "branches arborescentes" à explorer. Tandis que l'expert s'attend à une cascade de sommaires & sous sommaires qui lui "tombent dessus" effectivement.

Dans le cas du CD Rom et bientot du DVD, à ces deux attitudes qui tiennent de la recherche d'ergonomie s'ajoute souvent le “souci” marketing qui tend à présenter la profusion comme une richesse de contenu à la hauteur du prix payé (souvent plus de 300F). Même l'interacteur endosse, parfois, ce parti-pris dans la mesure où plus un CD Rom est consulté plus il se “rentabilise”.

A l'inverse, le site Web, d'accés quasi-gratuit, est cependant soumis au chronomêtre de France Telecom. Plus on consulte, plus on dépense. Il s'agit donc de donner d'emblée l'image d'un contenu globalisant qui rendrait inutile la recherche d'autres sites “concurrents”. Le mode de création d'un site participe au traitement de masses d'information puisque le site peut être construit peu à peu et par accumulation (rubriques, archives, liens, ...).

Site Web ou CD Rom, il y a toujours un premier écran. Et pour l'instant, il remplit deux tâches. D'abord, il nous donne une idée des informations contenues, des choix possibles, ce qui inclinerait à la profusion. Ensuite, tâche ingrate, il doit servir de mode d'emploi du multimédia²; sur ce point, la synthèse (clarté et rapidité d'appréhension) rassurerait tout le monde.

BnF - Tous les Savoirs du Monde
Comment une interface trés synthétique
peut révéler une profusion de commandes
dans son mode d'emploi.

Profusion ou synthèse, les concepteurs interactifs n'ont pas toujours le choix, ils doivent souvent afficher de nombreuses informations en synchronie. Dans l'espace réduit de l'écran, nous allons voir que le temps, justement, pourrait s'affirmer comme une dimension majeure.

Quantité à l'écran : essai de typologie des représentations

Les précédentes typologies (cf Actes) à partir des interfaces ne manquaient pas de références à des CD rom et sites web existants. "Quantité à l'écran" fait exception.
Cette problématique constante du concepteur interactif reçoit beaucoup plus de solutions du coté des logiciels documentaires et des OS³ que du coté des CD Rom ou du Web.
Les solutions de ces domaines apparaissent donc ici dans leurs aspects les plus concrets pour en faire la palette de travail à destination des concepteurs, public "cible" de cette recherche. Dans la typologie qui suit, chaque exemple illustré n'est pas "pur", il peut emprunter à plusieurs techniques de présentation des informations.


A - Du coté de la synthèse rassurante, les dévoilements.

1 - Le déroulant
Les nouvelles images se prêtent bien aux manipulations et il est facile de faire apparaitre et disparaitre un pan d'écran informatique.
Le menu déroulant est l'exemple de dévoilement le plus utilisé sur cet écran. Il se déroule d'un clic (mouse down) et disparait dés que le doigt se relève de la souris (mouse up). Sous un bouton, nous avons donc une réserve d'informations et d'actions qui, sans le déroulant, auraient encombré l'écran.
Les CD rom actuels améliorent encore ce dévoilement d'abord en intégrant ce déroulé dans l'écran bien mis en page mais aussi, de plus en plus souvent, il suffit de passer sur une zone interactive (roll over) pour obtenir ce dévoilement sans un clic.

2 - La mosaïque
La mosïque désigne d'abord la recomposition d'une image par de nombreux éléments réguliers ou non.
Le mot mosaïque s'applique aussi dans l'expression “mosaïque d'images”, une mise en page par juxtaposition. C'est cet usage que nous retenons dans le cas de la représentation d'un grand nombre d'informations.
La proposition de choix, la synthèse de plusieurs informations et la recomposition d'un ensemble, ces trois fonctions sont contenus dans la mosaïque QuickMove© d'Index+. Dans le cas du CD Rom "Les Croisades" (illustr.2), ce système représente un accés rapide, une réelle synthèse de l'ensemble et un survol visuel du contenu . C'est la cas, aussi et entre autres, du site web américain de Coca-Cola.

LES CROISADES - Chaque vignette survolée fait apparaitre
une image plus importante ,
point de départ vers une écran-séquence.

3 - Transparent /évident, éteint/allumé, voilé/dévoilé
Le dévoilement prend des formes plus concrètes avec l'effacement d'un voile sur certaines parties de l'image comme c'est le cas pour les BD interactives⁴ ou avec une manipulation qui, d'une transparence totale, aboutit à un graphisme trés affirmé.
Dans les sites Web, les boutons indiquent leur activation par un allumage (high light) et des listes box intégrées à la page offrent des menus déroulants.

LVI - Le sous sommaire déja présent passe de la transparence à l'évidence.

Dernier dévoilement intégré sur les "bureaux" des OS modernes (MacOS, Windows, Rhapsody, HPUX...), l'onglet virtuel résume en bas d'écran une fenêtre, un texte, un logiciel, un dossier bien repliés et préts à se déployer sur l'écran. Remarquons que nous retrouvons à l'écran une technique trés connue de classement papier. cependant l'écran affiche son originalité en offrant la possibilité de faire passer chaque onglet au premier plan.
Certains CD Rom reprennent ces onglets en les intégrant à la mise en page, c'est le cas de “Tous les Savoirs du Monde” de la BNF - Carré Multimédia ou du CD Rom “CARTON” du groupe Drame Instantanné où les onglets n'apparaissent qu'à l'approche du curseur sur les bords de l'écran.

Sur DragThing (shareware Mac), les onglets passent au premier plan à la demande.

4 - le mode Plan
Du coté des traitements de texte, le mode Plan, trés utilisé outre-atlantique, présente l'avantage d'une saisie de centaines de pages de textes avec la possibilité de retrouver d'un simple clic le plan du livre ou de la communication.
Dans ce mode, chaque tete de chapitre cliquée déroule ou replie tout le texte qu'elle "commande". Il en va de même pour les sous-chapitres. La hiérarchisation de l'information est d'ailleurs l'autre atout du mode Plan. Le texte de cet article a été géré sur un mode plan (avec ses images).

5 - Dévoilement dans le temps
Si l'espace de l'écran est reconnu comme réduit, le Temps reste une dimension peu explorée. La génération de zappeurs qui, la première, a investi les écrans informatique ne nous en a guère laissé le ...loisir.
Plusieurs CD Rom muséaux ¨déroulent dans une fenêtre, sur une échelle temporelle des événements synchrones et cliquables
Nous pouvons même imaginer que l'interacteur laisse simplement passer le temps pour voir les informations se dévoiler ou se replier. A lui de saisir au passage ce qui l'intéresse. Cette pratique éloignerait le CD rom ou le site Web du livre mais les rapprocherait de la vidéo.

6 - Profondeur - Perspective - Zoom
L'écran est plat, sa surface est finie, souvent trop petite.
Les interfaces-écran empruntent maintenant la 3 ème dimension, la profondeur, pour réduire la taille visuelle des informations plutot que de les faire disparaitre. La perspective, la profondeur, les zoom ou travelling sont utilisées pour ranger sans encombrer.

Le "Fouille-Web" (Web Forager) utilise un espace 3D
pour permettre à l'utilisateur de rassembler
et ranger des pages du Web de manière souple et informelle
(La Recherche 3/96).

Cette tendance est ergonomique car on s'aperçoit que ce qui fatigue le plus l'interacteur, ce ne sont pas les clics de souris, ce sont les clignotements, les changements complets d'écrans, ce sont les adaptations de la perception à de "pages" foncièrement différentes. Toute économie de l'oeil et du pixel deviennent bienvenues.


7 - Couleur
Dans le traitement de la quantité d'information, la couleur tient une place méconnue. La distinction par la couleur est pourtant d'une redoutable efficacité dans la cognition.

A la fin des année 60, John Turkey "inventa" l'analyse exploratoire de données⁵ . Contrairement à l'utilisation des données pour confirmer une hypothèse émise a priori , il s'agit de tenter d'expliquer ce qu'on voit. Il faut que l'information parle aux yeux.
C'est encore au Xerox Parc que nous retrouvons une illustration de cette démarche avec le logiciel SeeSoft. Celui-ci colore l'image d'un énorme texte comportant des dizaines de milliers de lignes pour en tirer les parties modifiées plus ou moins récemment. Un autre usage concerne d'énormes tableaux de données avec loupe (Table Lens).

Xerox SeeSoft - La couleur & l'analyse exploratoire
(La Recherche N° spécial 3/96)

Plus prés de nous, le studio multimédia Index+ utilise la couleur de la même façon pour traduire les différentes parties d'un CD Rom. Ce procédé est déja cité à l'item Mosaïque sous une forme moins abstraite donc moins synthétique.

Quick Move - Les Inuits. Index + - Cartographie de l'information par la couleur.

¹cf Actes du Séminaire Ecrit, Oral, Image & Nouvelles Technologies,Université PARIS VII / Tekhné, Paris 1994 à 1997 ou le site Interface Chronique http://www.teaser.fr/~dcohen/

² Car il ne faut guère se faire d'illusion sur l'audimat de petits livrets d'explication écrite, l'informatique présentée trop souvent comme "i-magique" ne souffre pas de lecture préalable au "presse-bouton" promis.

³Opérating Systeme : le logiciel système préside à l'allumage de l'ordinateur et en controle les fonctions de base.

⁴Opération Teddy Bear - Edouard Lussan -Flammarion et Le Piège Diabolique d'aprés P. Jacobs - Index+

⁵“L'analyse exploratoire de données regarde les données pour voir ce qu'elles ont l'air de vouloir dire”. John Turkey cité par La Recherche Mars 1996.

David Cohen© - dcohen@teaser.fr

2ème partie - Tête de page - David Cohen : autres sites